Un gros retard sur un IC Cahors - Paris (16 juillet 2017)
Mise en ligne / online since : 2017-07-19
L'Intercités IC 3656 est un Cahors - Paris (12h47 - 18h19), en composition double ce jour-là
(14 voitures), et autorisé à circuler à 200 km/h entre Vierzon et Etampes. Tout va bien jusqu'à
une petite heure du départ... quand l'agent de conduite (Richard Caballero, basé à Paris-Rive-Gauche,
exceptionnel connaisseur de la ligne et en particulier de son profil, tout en étant également
conducteur de TGV sur le secteur Atlantique) se rend compte que sa locomotive BB 26002
n'a pas l'intention de bouger aujourd'hui : panne totale de batterie... A partir de là, que faire ?
Le régulateur (SNCF-Réseau) et la gestion des engins de traction (SNCF-Mobilités) sont informés,
et il n'y a évidemment pas d'engin de réserve à Cahors. Quant à ce qui circule dans le secteur
en cette très creuse mi-journée, il n'y a guère que les deux trains "low-cost" 3705 (Paris 8h19 -
Toulouse 15h19) et 3706 (Toulouse 10h40 - Paris 17h24). Le suivant dans le sens Nord - Sud
(IC 3635) n'atteint Cahors qu'à 18h14 (!), et dans l'autre sens l'IC 3694 Toulouse - Paris
passe également à Cahors aux alentours de 18h...
Ci-dessous, une vue prise la veille à Gignac-Cressensac (à mi-chemin entre Brive et Souillac),
la BB 26002 étant encore en état normal de fonctionnement (Richard, conducteur du 3656, arrivant
quant à lui à Cahors à 23h08 avec le Paris - Cahors du soir, l'IC 3665 parti de Paris à 17h41) :
049 01 2017-07-15 17h21 Gignac-Cressensac (IC 3635 Paris-Austerlitz 1241 Cahors 1814) BB26002+14v
Maintenant, il faut trouver une locomotive à Brive ou à Toulouse, et la faire venir... Par chance,
il y en a une à Brive, apte à 200 km/h, la 26162... et le 3705 n'est pas encore passé.
C'est donc lui qui va assurer l'acheminement, en plaçant cette locomotive en tête devant
la BB 7309 temporairement reléguée au rang de véhicule. Affaire bien menée (manoeuvres
et essais de freins), car le convoi n'aura que 15 mn de retard à Gignac-Cressensac : 13h27
au lieu de 13h12. Le fait que cette composition soit désormais limitée à 140 km/h n'a
aucune importance : entre Brive et Cahors, on ne peut nulle part dépasser 110 km/h...
Ci-dessous, l'acheminement par l'IC 3705 de la BB 26162 qui va secourir l'IC 3656 :
049 02 2017-07-16 13h27 Gignac-Cressensac (IC 3705 - 26162pourIC3656+7309+10v)
Mais cette limitation à 140, les conditions de freinage étant particulières dans cette composition
à deux locomotives, va avoir de l'importance par la suite... car le gestionnaire des moyens
de traction Intercités décide qu'il faut sans délai rapatrier la locomotive en panne.
En première approche, cela pourrait se comprendre : s'il faut aller la chercher avec une locomotive
dédiée à cette tâche, cela va coûter au moins une journée de conducteur (quoique si celui-ci
fait partie de la réserve, le coût réel devient nul...) ainsi que le péage associé au sillon,
en plus du coût de l'utilisation de l'engin de traction. Face à cela, après tout, la perte
de temps importe peu, car on est de toute façon déjà bien au-delà des 30 mn qui déclenchent
l'indemnisation des voyageurs, alors une heure de plus ou de moins... Un point de vue qui
néglige quelque peu celui des voyageurs... sans même évoquer l'allongement considérable
de la journée de conduite du conducteur, dont l'avis n'a pas davantage été sollicité. Cela
paraît d'autant plus surprenant que le parc actuel des BB 26000 excède largement le besoin :
l'urgence du rapatriement au dépôt était-elle si grande ?
Dans le meilleur des cas, le passage à Gignac-Cressensac à 13h27 donne une arrivée à Cahors
vers 14h12 et peut déboucher sur un départ vers Paris à 14h30, mais avec les manoeuvres
de mise en véhicule de la 26002, cela devient une toute autre affaire, et le départ de Cahors
n'aura finalement lieu qu'à 15h51 (retard 3h04).
Ci-dessous, le passage au PN 298 de Gignac-Cressensac, à 16h45 au lieu de 13h43 (retard 3h02) :
049 03 2017-07-16 16h45 Gignac-Cressensac (IC 3656 Cahors 1247 Paris-Austerlitz 1819, retard 3h02)
De Limoges à Paris, la limitation à 140 km/h coûte environ 15 mn sur les sections à 200 km/h
(calcul élémentaire sur 120 km à 7,5 s perdues par km), 6,5 mn sur les sections à 160 km/h
et 1,5 mn sur celles à 150 : total 23 mn... en réalité plutôt 25 car de nombreuses zones voient
la vitesse réduite de 10 km/h par rapport à une composition normale, par exemple 130 au lieu de 140
en Région Parisienne. A l'inverse, la marge de régularité standard procure une réserve de 18 mn,
à raison de 4,5 mn aux 100 km. En théorie, le retard de 3h21mn au départ de Limoges pouvait donc
n'augmenter que de 7 mn à la suite... à condition de ne pas subir d'autres aléas ou possibles
ralentissements pour travaux, et de tenir les durées de stationnement en gare... ce dernier point
n'ayant rien d'évident pour un train très en retard : le stationnement sera d'ailleurs de 13 mn
à Limoges... pour ravitailler les voyageurs, après un arrêt de 12 mn à Brive (16h59 - 17h11) pour
cause de conflit avec un autre IC partant à 17h05. Au final, le retard à Paris sera de 3h44,
comme quoi même avec une conduite tonique (accélérations, freinages, tenue des vitesses limites...)
un retard important a bien plus de chances de croître en cours de route que de se réduire.
Et au final, pour le conducteur, ce sera une belle journée (!) qui aura commencé vers midi
et se sera achevée à 22h03... sans aucune pause.
Ce retard a par ailleurs fait quelques dommages collatéraux... : le TER 861432 Argenton-sur-Creuse - Orléans,
arrivé à l'heure à Châteauroux, en est reparti avec 44 minutes de retard, ayant été pris d'assaut par
la clientèle du 3656. On peut évidemment s'étonner que cette surcharge n'ait pas été anticipée, le retard
du 3656 étant connu depuis un bon moment... et un dimanche après-midi, ce n'est pas le matériel régional
disponible qui manque, pour pouvoir renforcer la composition de la rame.
Autre dommage collatéral, le 3705 utilisé pour l'acheminement de la locomotive de secours aura en revanche
moins souffert : 6/16 mn de retard (arrivée/départ) à Brive, 14/30 à Cahors, et au final +25 mn à Toulouse.
Une dernière réflexion... Cette petite histoire est tout de même un bel exemple de conflit d’intérêt
entre SNCF-Réseau et SNCF-Mobilités : la décision de rapatriement immédiat de la BB 26002 a coûté
aux alentours d'1h30 (manœuvres à Cahors + perte V140 en route), et ressemble fort à une décision
de Mobilités sans que Réseau n'ait vraiment eu son mot à dire... alors qu’on pouvait fort bien
la rapatrier le lendemain sur un autre Cahors - Paris, de préférence une composition à 7 voitures
au lieu de 14 comme le 3634 du 17 juillet : pas de perte de temps à Cahors, juste la perte "140 km/h
au lieu de 200" en cours de route... et davantage de marge de régularité en contrepartie,
puisque l’horaire en logique cadencée / standardisée est évidemment calculé pour 14 voitures
et non 7 (même s'il ne faut pas oublier que les 90 tonnes de la locomotive en véhicule équivalent
à 2 voitures supplémentaires, ce qui réduit le gain).
D'ailleurs, même du strict point de vue de SNCF-Mobilités, et sans même évoquer les dégâts
en termes d'image (y compris du côté de Châteauroux !), le choix fait est plus que douteux :
avec une arrivée à Paris à 22h03 au lieu de 18h19, on peut imaginer qu'il aura fallu fournir
un hébergement sur place à un certain nombre de voyageurs ayant manqué une correspondance
et devant donc patienter jusqu'au lendemain pour la suite de leur voyage...
Note a posteriori : la BB 26002 réparée semble avoir assuré son premier train 12 jours
plus tard, le 28 juillet avec le 3605 Paris - Toulouse (retour vers Paris avec le 3634).
(les appréciations figurant dans ce texte n'engagent bien entendu que leur auteur...)
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